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Des embryons de laboratoire pour lutter contre l’infertilité ?

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Victoria Louvel
Rédactrice Santé

L’appellation a de quoi surprendre. Pourtant, des travaux sont bel et bien en cours et ces embryons « artificiels » portent un nom : blastoïdes. Leur utilité ? Apporter un moyen de lutter contre l’infertilité.

Lutter contre l'infertilité

Les embryons de laboratoire, une innovation française

Pour comprendre pourquoi un embryon ne parvient pas toujours à s’implanter, puis pour pallier à ce problème, le scientifique Nicolas Rivron, qui travaille à l’Institut de biologie moléculaire de l’Académie des sciences de Vienne, a démarré ses travaux en 2018 : « Nous avons proposé de former des modèles d’embryons en laboratoire à partir de cellules souches chez la souris et nous avons obtenu un modèle complet. Nous l’avons transféré dans des utérus de souris pour étudier le procédé d’implantation. En 2021, nous proposons le modèle de blastoïde équivalent chez l’humain. » 

Par blastoïde, terme inventé à cette occasion, comprenez un modèle embryonnaire intégralement formé en laboratoire, à la différence d’un blastocyte : stade où l’embryon humain est composé d’une centaine de cellules et n’est alors pas plus épais qu’un cheveu. Un blastoïde est donc un embryon artificiel, de structure équivalente à un embryon humain.

 

Aujourd’hui, les résultats sont suffisamment concluants pour que les travaux de Nicolas Rivron aient été publiés dans la revue Nature le 2 décembre dernier : « Nous pouvons modéliser de façon très réelle le moment critique de l’implantation dans l’utérus. »

 

Mieux comprendre les problèmes d’implantation et mieux soigner l’infertilité

S’il est évidemment exclu d’envisager une implantation de blastoïde dans un utérus humain, cette innovation, par le biais de la modélisation prédictive, compte bien servir à mieux comprendre pourquoi un vrai embryon ne parvient pas à s’implanter. Un enjeu de taille face à l’infertilité puisque « 50% des fertilisations ne donnent pas de bébé, c’est-à-dire qu’elles se transforment en fausses couches. Et parmi ces 50%, il y a 75% de ces embryons qui ne réussissent pas à s’implanter dans l’endomètre », rapporte Nicolas Rivron qui rajoute que, grâce aux blastoïdes:

 

« nous avons créé des alternatives éthiques et techniques à l’embryon humain qui permettent de comprendre les premières étapes de l’embryogenèse en laboratoire, et de développer des médicaments pour traiter les problèmes d’infertilité ».

 

Ce dernier aspect est toujours en cours et si le scientifique est confiant quant à l’issue de ses recherches, cette dernière ne devrait pas être accessible avant une dizaine d’années.

 

Mieux connaître l’embryon

Non seulement les premiers résultats de ces travaux parviennent à « mimer » le comportement d’un blastocyte, mais ils ont également eu un autre effet vertueux : les scientifiques ont découvert que les cellules adhérentes conçues pour interagir avec les cellules de l’endomètre et s’y implanter, étaient créées par les cellules internes de l’embryon (et non externes comme ils le supposaient). Ce qui signifie que ce sont ces cellules internes qui vont par la suite, être également responsables de la formation du corps de l’embryon puis du fœtus, et qui vont « diriger » la formation du placenta, afin que ce dernier devienne également adhérent et réceptif à l’endomètre.

 

Une découverte essentielle pour la biologie et la médecine que l’on doit à ces fameux blastoïdes de Nicolas Rivron : « Ces modèles d’embryons vont nous aider à comprendre tous ces aspects fondamentaux qui étaient inaccessibles jusqu’à présent », conclue-t-il.