Traiter l’infertilité : focus sur les solutions médicales innovantes
Docteur André Guérin, médecin de la reproduction
Docteur Pierre Ray, généticien
Docteure Nathalie Lédée, gynécologue-obstétricienne
Professeure Catherine Rongières, cheffe de service du Centre d’AMP des hôpitaux universitaires de Strasbourg
@Victoria Louvel
Rédactrice santé
Traiter l’infertilité : focus sur les solutions médicales innovantes
Les chiffres de l’infertilité ne cessent de s’accroître. Actuellement, un couple sur 4 est concerné par cette problématique. Heureusement, en parallèle, nombreux sont les laboratoires et les équipes médicales qui recherchent des moyens de lutter contre l’infertilité. Présentation de trois solutions médicales innovantes, par leurs porteurs de projet respectifs, lors de la journée de l’infertilité du 6 novembre 2021.
Retarder le vieillissement des ovocytes
L’une des causes d’infertilité féminine ? Le vieillissement des ovocytes qui peut aller jusqu’à provoquer une ménopause précoce. Le Docteur André Guérin, médecin de la reproduction et responsable du pôle français des cliniques espagnoles Ivi, travaille justement sur différents moyens de retarder le vieillissement ovocytaire. Il décrit l’une de ses méthodes : « En cas de ménopause précoce installée depuis moins de 6 mois chez des patientes de moins de 38 ans, nous pouvons provoquer une sorte d’inflammation d’un ovaire afin de révéler la présence de follicules dormants. »
Car c’est bien ce qui se produit schématiquement lorsque les ovocytes vieillissent : ils entrent peu à peu en « sommeil ». Ils sont donc moins réactifs au cycle et moins efficaces, mais n’en sont pas moins présents pour autant. « Notre technique consiste alors à nettoyer l’ovaire, en enlevant notamment la fibrine (protéine du plasma sanguin, NDLR), afin de nourrir les follicules et ainsi, de les réactiver en injectant des plaquettes concentrées. »
Pour mener à bien ce projet innovant, André Guérin s’est inspiré des cas de femmes ayant subi une greffe de moelle osseuse et de la chimiothérapie.
« Grâce à l’injection de cellules souches dans leur moelle osseuse, les ovaires de ces patientes, mis en sommeil par le traitement lourd qu’elles avaient subi, ont pu être réactivés. »
A l’issue de ce traitement, de nombreuses patientes ont pu bénéficier du retour de leur cycle menstruel et de l’augmentation du nombre de leurs ovocytes.
Une nouvelle manière de traiter l’infertilité masculine
Le Docteur Pierre Ray, généticien est maître de conférences au CHU de Grenoble. Il est également l’un des dirigeants du laboratoire de recherche qui se consacre aux origines génétiques de l’infertilité masculine, au sein de l’institut Albert Bonniot. Le généticien se penche plus précisément sur les cas de patients subissant de l’azoospermie, c’est-à-dire qui n’ont quasiment pas de spermatozoïdes dans leur liquide séminal.
Le principal objectif de son laboratoire de recherche ? Proposer un traitement personnalisé aux hommes concernés. « Dans les cas les plus sévères d’infertilité, l’origine génétique est récurrente. Elle est principalement causée par la mutation d’un gène », énonce le Docteur Ray.
Avec son équipe de recherche, il a donc développé de nouvelles techniques de séquençage haut-débit de l’ADN, qui permettent au diagnostic de progresser en étant plus précis, et donc de mieux prendre en charge les patients. Mais ses travaux de recherche sont toujours en cours et visent un autre but : la prédiction. « Actuellement, en cas d’azoospermie sévère, les médecins effectuent une biopsie testiculaire pour trouver des spermatozoïdes. Nos recherches permettront alors de ne pas réaliser cette biopsie si elle n’est pas nécessaire. »
Mais ce n’est pas tout : « Concernant les hommes dont la mutation génétique intervient précocement dans leur spermatogenèse, notre but est de pouvoir réintroduire la protéine manquante dans le testicule afin de recréer des spermatozoïdes qui pourront permettre d’effectuer une fécondation par Icsi. »
Pour réintroduire cette protéine, le généticien sait déjà qu’il peut compter sur les techniques d’ARN messagers, désormais connues du grand public : « L’introduction d’ARN va permettre de produire la protéine plus facilement qu’avec de la thérapie génique », résume Pierre Ray.
Une solution qui s’adresse principalement aux patients atteints d’azoospermie sévère donc, mais qui pourrait également s’avérer une aide précieuse pour ceux auxquels aucune solution ne peut être proposée pour régler leur infertilité.
Pallier aux échecs d’implantation embryonnaire
Pourquoi un embryon conçu in-vitro de bonne qualité ne parvient pas à s’implanter dans l’utérus ? C’est pour répondre à cette question que la Docteure Nathalie Lédée, gynécologue-obstétricienne et docteure en logique du vivant, a fondé le laboratoire de recherche MatriceLab Innove en 2011. Son approche ? Etudier, en début de parcours de PMA, si les cellules de l’endomètre de la patiente concernée toléreront l’implantation d’un embryon et le laisseront s’y développer. Une solution également précieuse pour les femmes subissant des fausses couches à répétition.
« En tout début de parcours ou en amont d’un transfert d’embryon, nous procédons à un prélèvement de cellules de l’endomètre qui sera analysé en laboratoire. Nous regardons plus précisément si ces cellules pourront aider à nourrir un embryon ou si elles le considéreront comme un étranger », détaille la Docteure Nathalie Lédée.
La gynécologue poursuit : « En fonction des résultats de cette analyse, il faudra procéder à une sur-activation ou à une sous-activation du traitement hormonal traditionnel qui est prescrit à la patiente en parcours de PMA. Autrement dit, l’approche de MatriceLab Innove permet de personnaliser le soin autour de la FIV conventionnelle. »
En plus d’améliorer l’environnement d’accueil de l’embryon, cette solution permet également à ce dernier d’être fécondé in-vitro dans les meilleures conditions possibles. A terme ? Que le dialogue entre l’embryon et sa mère se déroule le mieux possible.
Cette solution innovante a déjà prouvé scientifiquement son efficacité et le laboratoire MatriceLab Innove travaille d’ailleurs en collaboration avec des gynécologues répartis sur tout le territoire français. En pratique ? « Quand les patientes ont été ponctionnées de leurs ovocytes mais que les embryons conçus de bonne qualité ne parviennent pas à s’implanter, leurs gynécologues peuvent nous envoyer un mail pour recevoir des conseils personnalisés de notre part. »
Une démarche qui, malgré son efficacité prouvée, n’est pas encore prise en charge par la Sécurité sociale et représente donc un certain coût (480 €, précisément).
Conservation des ovocytes : quelques rappels avant de se lancer
L’un des points-clés de la récente loi de Bioéthique ? La conservation ovocytaire, désormais possible en-dehors d’une raison médicale. Une nouveauté unanimement saluée.
La Professeure Catherine Rongières, cheffe de service du Centre d’AMP des hôpitaux universitaires de Strasbourg, nous en rappelle le procédé :
« Réservée aux femmes âgées de 29 à 37 ans, la technique de conservation de ses ovocytes consiste d’abord en la stimulation hormonale de la patiente, comme si elle s’apprêtait à recevoir une FIV. Le médecin prélève ensuite des ovocytes matures qui sont congelés et mis de côté pour plus tard. »
Toutefois, la spécialiste procède rapidement à quelques rappels concernant cette méthode, qui doit être appréhendée en toute connaissance de cause : « Ce n’est pas parce que des ovocytes auront été mis de côté que l’un d’eux donnera forcément naissance à un bébé. Il faut également tenir compte des changements de vie qui peuvent survenir dans la vie d’une femme âgée de 38 ou 40 ans, d’autant plus que la réussite de l’AMP diminue également avec l’âge. »
Des rappels nécessaires à l’heure où les centres d’AMP sont pris d’assaut, suite à la mise en application de la loi de Bioéthique, et où les appels aux dons de gamètes se multiplient. « Si les ovocytes ne sont finalement pas utilisés, pour diverses raisons, les patientes auront la possibilité de faire don de leurs ovocytes congelés », conclut la Docteure Rongières.
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