La note du Docteur Joëlle Tubiana : fertilité et nutrition, l’étude “Nurse’s Health Study II” (NHS II)

EXPERT
@ Joëlle Tubiana
(Docteur nutritionniste)

Le Docteur Joelle Tubiana est spécialisée en Nutrition, en Diabétologie et elle est aussi endocrinologue.

 

LE RAPPORT ENTRE FERTILITÉ ET NUTRITION

Il y a quelques années j’ai écrit un article destiné aux gynécologues obstétriciens qui traitait précisément de ce sujet. (Abstract Gynécologie : Nutrition et fertilité).
En effet, une étude randomisée américaine venait de paraître et il me semblait nécessaire d’en avertir les gynécologues.

On sait depuis longtemps que l’obésité (comme la maigreur) représente un frein à la fertilité.

On connaît le rôle de l’IMC (Indice de masse corporel) sur les troubles de l’ovulation. Ainsi que le rôle de l’insulino résistance (elle-même aggravée par le surpoids) sur l’axe Hypothalamo – hypophyso – ovarien. Cette étude, réalisée sur une importante cohorte, a permis de mettre en place 10 mesures qui améliorent chacune “les chances ” de procréer et qui lorsqu’elles sont combinées ont un effet surprenant sur l’infertilité due aux troubles de l’ovulation.

Il y a bien sûr des cas spécifiques. Il existe des syndromes métaboliques connus dans lesquels la perte de poids et l’amélioration de l’insulino résistance permettent de traiter une infertilité :

  • Le syndrome des ovaires micropolykystiques.
  • Bien sûr, les diabètes déséquilibrés ou méconnus.
  • Les états pré-diabétiques.
  • Certains troubles de la thyroïde …

A côté de cette liste non exhaustive, je dois évoquer les troubles psychiques liés à l’obésité et au surpoids. Et enfin je tiens aussi à parler du diabète gestationnel (ou diabète de la grossesse) qui peut entraîner de nombreuses complications s’il n’est pas bien pris en charge.

Et cette prise en charge est surtout nutritionnelle (l’insuline n’est instaurée qu’en cas d’échec des mesures Hygieno diététiques).

Des études pour répondre à une question que beaucoup se posent : Pourquoi mon alimentation a-t-elle un impact sur ma fertilité ?

 

En 2007 les chercheurs CHAVARRO Jorge, WILLETT Walter et SKERETT Patrick du département de Santé Publique de l’Ecole de Médecine de l’Université d’Harvard (Cambridge) publient les conclusions d’une étude prospective menée pendant 8 ans, portant sur un échantillon de 18 555 infirmières en âge de procréer et sans problème connu d’infertilité (étude appelée « Nurse’s Health Study II », NHS II).

De cette étude sont ressorties 10 recommandations de bases :

  • Diminuer les graisses saturées et éviter les graisses trans. Que l’on trouve spécifiquement dans l’alimentation « industrielle ».
  • Privilégier la consommation des graisses mono et poly insaturées comme l’huile de canola, l’huile de noix et l’huile d’olive.
  • Augmenter la consommation de protéines végétales provenant des légumineuses et des oléagineux.
  • Privilégier la consommation de glucides à Charge Glycémique (CG ou glycemic load) basse.
  • Consommer 1 portion de lait entier ou même de crème glacée par jour. Il faut noter que c’est cette dernière recommandation qui a fait le succès populaire de la méthode…
  • Prendre un complexe de vitamines contenant de l’acide folique et vitamines du groupe B.
  • Privilégier les sources végétales de fer aux dépens de la viande rouge.
  • Boire de l’eau. Le café, le thé et l’alcool peuvent être consommés avec modération, les sodas sont à éviter.
  • Avoir et maintenir un IMC entre 20 et 24 kg/m².
  • Avoir une activité physique régulière et cela, surtout si votre IMC est > ou = à 20 kg/m²

L’étude complète démontre ces points à l’aide de tableaux comparatifs qui confirment les rôles des bons et des mauvais lipides, des glucides à modérer, des protéines à privilégier, avec les conséquences en apports en fer, en sels minéraux, en antioxydants. Et surtout le bénéfice pour la fertilité de supprimer tel ou tel aliment ou pourquoi pratiquer une activité physique est très important. L’unité de mesure étant l’amélioration ou le trouble de l’ovulation.

 

L’INFLUENCE DE LA NUTRITION SUR LA FERTILITÉ DANS LA PRATIQUE

Lorsque j’avais mon cabinet parisien, beaucoup de patientes venaient me voir pour un suivi spécifique dans la période de préconception. L’idée était bien sûr de travailler sur la fertilité.

De nos jours, les gens tentent de se reprendre en main et l’on peut faire des choses incroyables avec la nutrition. Y compris pour les futurs papas.

Par exemple, les hommes obèses ont tendance à avoir des dysfonctionnements oestrogéniques. Ce qui entraîne une hypo-infertilité. Car le tissu graisseux va transformer les stéroïdes en ostéogènes, ce qui va avoir un impact dans la production des spermatozoïdes.

Il existe beaucoup de causes d’infertilités, mais ce n’est pas toujours une science exacte.

Et la meilleure façon de déterminer un suivi spécifique efficace, en préconception par exemple, est de bien connaître nos patients. En se posant les bonnes questions !

Un bilan biologique “basique” permet de dépister de nombreuses pathologies métaboliques.
Le suivi nutritionnel doit vraiment s’adapter à chaque patient et à son mode de vie, à sa façon de s’alimenter. Même s’il existe des bases communes, bien sûr.

 

PRENONS LE CAS DES PRODUITS ALIMENTAIRES INDUSTRIELS.

Pour suivre la première recommandation qui lie fertilité et nutrition, il faut diminuer les graisses saturées et éviter les graisses trans. Mais attention, car nous avons besoin des graisses, il ne faut donc pas toutes les éliminer, mais juste celles qui sont toxiques.

Or il se trouve que ces graisses toxiques sont justement présentes dans l’alimentation industrielle. Mais il faut aussi prendre en compte qu’il y a parfois du bon dans l’alimentation industrielle.

Nous sommes là pour aider à faire le tri, en fonction des besoins du patient.

Par exemple, tout ce qui est soda allégé, c’est-à-dire aspartame et édulcorant, c’est non !

C’est un parcours du combattant durant lequel un accompagnement est indispensable.

Et surtout il faut être honnête avec soi-même.

La règle est d’éviter que le régime soit trop restrictif.

Lorsque j’ai découvert la nutrition à l’Université de Stanford aux Etats-Unis, j’ai découvert en même temps des méthodes simples, une écoute et des solutions peu contraignantes.

Puis la règle de base pour moi est la suivante : nous sommes des omnivores.

Il faut manger de tout, mais avec régularité. Si le régime est trop compliqué, trop restrictif, la patiente ne le suivra pas. Dans l’idéal, c’est une habitude alimentaire à suivre toute sa vie.

Pour chaque patiente, je fais du sur mesure. Il n’existe pas de protocole précis car il faut s’adapter à chaque cas. Et il faut être à l’écoute, parce qu’elle a vraiment besoin d’être aidée.

 

DE L’IMPORTANCE DU COACHING EN NUTRITION
De nos jours, dans les pays riches et industrialisés, tout le monde aurait besoin d’une éducation alimentaire. Il y a tant de fausses notions, de pièges et de malentendus concernant la nutrition. De plus, peu de gens ont vraiment conscience de la façon dont ils mangent réellement.

C’est un constat empirique qui n’a cessé de se vérifier. Ce n’est pas par « mensonge conscient » mais plutôt un problème de représentation.

On se souvient de la frustration (d’où la pénibilité de certains régimes) mais on oublie les petits grignotages. On l’on n’a pas fait attention à la quantité de l’association « pain / alcool / fromage » du dîner de la veille, que l’on pensera pourtant équilibré.

 

Vérifiez vous-même. Posez cette question : « que mangez-vous au déjeuner ou au dîner ? »
Vous aurez des réponses formatées du genre : « du poisson, des légumes ou une salade ».
Alors que si vous posez la question : « qu’avez-vous mangé hier soir ? ».

Vous aurez une réponse gênée du genre : « Ah oui mais hier soir c’était une exception, je n’avais pas le temps, il n’y avait plus rien dans le frigo … donc j’ai mangé une pizza 4 fromages, ou un fastfood, avec un gros dessert ».

 

L’exception est souvent l’habitude. Et les gens sont sincères et ne pensent pas essayer de mentir, surtout lorsque l’on offre une écoute purement analytique sans jugement.

Souvent, le problème vient donc du fait que l’on n’est pas conscient de sa façon de manger.

Les gens viennent avec des idées reçues, ils sont comme des mouches qui se cognent à une vitre, puis se cognent de nouveau et se cognent encore. C’est-à-dire que chaque année, ils refont la même erreur, persuadés de bien faire. Et persuadés de ce qu’ils ont lu dans tel ou tel magazine. Ils ont la certitude que pour perdre du poids, il faut s’affamer. C’est tomber dans le piège de l’industrie et des médias. Un régime, ce n’est pas 3 mois intenses mais quelque chose à installer sur le long terme. Alors ils lisent un truc dans les médias, écoutent les conseils d’une copine et du coup se persuadent de mauvaises informations.

 

 

SUIVRE LES CONSEILS D’UN NUTRITIONNISTE OU D’UN COACH EN NUTRITION, C’EST ACCEPTER DE REMETTRE EN CAUSE SES CERTITUDES.

Car la restriction, la frustration, ça ne marche pas.

Par exemple : vous vous dîtes « j’arrête les pates ». Vous vous créez une frustration, difficile à tenir sur le long terme. Alors que si vous changez pour de bon vos habitudes avec des pâtes complètes, accompagnées de légumes, cuisinées de telle façon qui vous convient, vous oublierez définitivement vos pâtes grasses qui étaient mauvaises pour vous.

 

L’idée est de reconstruire son alimentation. Et se dire « ce n’est pas grave, je mange mal, la plupart des gens mangent mal, je vais changer ça ». Et ne pas résister à ce que je vous dis.

L’alimentation, c’est une chose que l’on pratique 3 fois par jour toute sa vie, c’est assez difficile à modifier. Mais pas impossible. Pour cela, il faut accepter de s’être trompé et ne plus recommencer les mêmes erreurs.

Un régime n’est pas une souffrance, c’est un mode de vie à recréer.

Ma pratique m’a permis de mettre en évidence ce point fondamental très largement sous-estimé, qui fait que les gens qui ont un problème lié à la nutrition (comme le surpoids) se sentent vraiment dans un état d’impuissance et d’incompréhension. Réévaluer correctement son alimentation est le premier pas vers son amélioration.

Ma méthode d’accompagnement du patient repose avant tout sur une écoute.

Il faut vite comprendre les mécanismes sous-jacents à la mauvaise prise alimentaire. Manque d’information ? Troubles du comportement alimentaire ? Maladie métabolique ? Place des facteurs génétiques ?

Ne pas être dans ce que nos patients perçoivent comme un jugement.

Des termes comme « c’est mal » ou « c’est bien » n’ont pas leur place dans la démarche.

Nos patients ont besoin d’aide. En revanche je n’hésite pas à les mettre devant leurs propres incohérences en leur demandant très souvent s’ils veulent vraiment poursuivre, dès que je me rends compte qu’ils n’adhèrent plus au projet. Je ne les infantilise surtout pas.

Je leur explique qu’il ne s’agit PAS d’un régime qu’ils devront faire pendant 3, 6 ou 12 mois pour revenir ensuite à leurs habitudes antérieures mais qu’il s’agit d’une méthode qui doit reconstruire une alimentation faisable et adaptée à vie.

Voilà pourquoi les régimes trop restrictifs sont toujours voués à l’échec. Personne ne peut manger « sinistre » à vie, ce serait insupportable et dangereux. Il existe tant de pièges alimentaires, tant de mauvaises habitudes et de notions erronées dont on peut se débarrasser.

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